Présidence de la France au Conseil de l’UE : A quoi doit-on s’attendre ?
Janvier marque le début d’une nouvelle année, de nouvelles résolutions et nouveaux projets. En Europe, c’est aussi le début d’un nouveau terme et d’une nouvelle présidence du conseil de l’UE. Cette fois-ci, c’est au tour de la France de présider.
Le départ de cette présidence aura marqué les esprits et les yeux, puisque les monuments français arboraient les couleurs de l’Europe, et ceux qui ont eu la chance de voir la tour Eiffel habillée du drapeau européen, ont pu ressentir la joie et l’excitation que cette nouvelle présidence procure. Lorsqu’il y a quelques mois un journaliste m’a demandé mon avis sur cette présidence Française, j’ai répondu que malgré les intentions admirables du président Macron (et nous connaissons sa ferveur Européenne), ce mandat pourrait être biaisé par les élections présidentielles en France qui auront lieux les 10 et 24 avril prochain. Mes craintes se sont avérées justes, dès le 1er janvier, plusieurs candidats aux présidentielles se sont empressés de critiquer le choix du gouvernement de célébrer le début de la présidence de parer l’Arc de Triomphe d’un drapeau Européen. Que dire enfin de cette regrettable plénière au parlement européen ce 19 janvier, qui aura pris une tournure de règlements de compte entre français !
Il est certain qu’il faudra composer avec cet autre agenda en espérant, qu’importe le résultat de ces élections, que la France pourra continuer d’assurer ses objectifs en attendant le passage à la présidence tchèque en juillet. C’est important de souligner que la présidence française est la première d’un nouveau trio de présidences au Conseil de l’UE qui finira en 2023 avec la Suède. Et c’est important pour de nombreuses raisons, notamment parce que le programme Français est ambitieux, mais aussi parce que la France aura la responsabilité de conduire et prendre des décisions politiques majeures, d’organiser des réunions entre les Etats Membres et de faire des compromis. Et sans compromis, l’Europe n’avancerait pas.
Quels sont les sujets qui marqueront le mandat français ?
D’abord le volet environnemental sera très présent. La présidence Française continuera de promouvoir le Pacte Vert et la décarbonation de l’économie, tout en préparant les négociations pour la 27ème COP. Plusieurs actions et décisions en faveur de la biodiversité vont marquer cette présidence, surtout en matière d’économie circulaire. Par exemple, nous pourrions voir s’accélérer les négociations sur les batteries.
Ensuite, la stratégie industrielle de l’UE sera un axe majeur du programme. Si le bien-être social repose sur une économie forte, alors l’UE devra réconcilier les intérêts des consommateurs, la concurrence libre et surtout, l’indépendance industrielle et son habilité à supporter un marché européen en compétition avec les marchés internationaux.
Ainsi, la France a de grandes ambitions pour les marchés internes et l’industrie. Peut-être parce que 2022 marque le 30eme anniversaire du traité de Maastricht (qui a établie notamment les bases du marché interne commun), la présidence française visera à le renforcer et à couvrir les convergences sociales et fiscales et ainsi à amorcer la transition verte et digitale de l’Europe.
Par ailleurs, la France sera très attendue sur le volet démocratique. Aussi la présidence française s’efforcera de restaurer les valeurs de démocratiques dans l’Union, en contribuant notamment au succès de la Conférence pour le Futur de l’Europe. Un rapport sur le travail fourni par les participants et les pays devrait être présenté en mai prochain à Strasbourg.
En écho avec les débats nationaux qui animent la campagne présidentielle sur les questions sécuritaires, la présidence française va donc reformer l’espace Schengen et continuer de travailler sur les questions d’asile et d’immigration et sur la sécurité des citoyens européens.
Et puis, il y aura bien sûr les questions de défenses et de politiques sécuritaires, le secteur de l’Espace et comment financer sa croissance future, peut-être par exemple à travers l’Union des marchés de capitaux ou l’Union des banques. Récemment la BCE appelait à des fusions transfrontalières entre les banques européennes, peut-être pouvons-nous croire que ce dossier avancera aussi. En ce qui concerne le secteur de l’énergie et du transport, la présidence française a rappelé sa volonté de développer les énergies renouvelables et d’encourager l’économie d’énergie pour améliorer l’efficacité énergétique dans l’UE. Mais les prix qui augmentent et continuent d’augmenter devront être surveillé de près. Il est certain que la France devra marquer son passage dans ce domaine. Le prix des énergies fossiles et l’impact que cela a sur la mobilité des citoyens cause le mécontentement partout où on le ressent. Cela sera sans doute l’opportunité pour l’Europe de prouver qu’elle peut protéger ses citoyens face à l’hyperinflation et les conséquences sévères qu’elle engendre.
Quelles sont les problématiques au programme pour les partenaires sociaux Européens?Â
Autres sujets très importants pour nous, partenaires sociaux, ce sera l’emploi, les politiques publiques sociales, la santé et la consommation. La présidence Française souhaitera renforcer l’Europe sociale dans la continuité des socles européen des droits sociaux, et contribuer ainsi à l’accomplissement des objectifs pour 2030.
Cette nouvelle présidence va relancer les négociations avec le parlement européen au sujet des directives sur le salaire minimum dans l’UE. La CEC a eu l’opportunité de partager son analyses sur le sujet. Les intentions et objections des uns et des autres sur ce dossier sont connues. Et il me semble que nous sommes proches d’un compromis. De plus, la présidence française fera  avancer les discussions sur la directive qui vise à améliorer les conditions de travail des travailleurs de plateforme. Ici encore nous pouvons espérer un projet concret et atteignable si l’on y dédie beaucoup d’effort.
La présidence française déclare vouloir porter aussi une attention particulière à la formation continue, pour la transition de carrière et au dialogue social, et cela pour soutenir les changements apportés par la transition digitale et climatique.
Un autre dossier important concerne l’émancipation économique des femmes, ou comment concrétiser l’égalité entre les genres. Ces sujets seront adressés le 31 janvier lors d’une conférence ministérielle. La présidence est désireuse d’avancer les discussions sur les directives qui vise à améliorer l’équilibre des genres dans les comités exécutifs d’entreprise. C’est un sujet sur lequel on peut penser qu’il y aura des avancés, même s’il reste beaucoup à faire, la France a acquis de l’expérience dans ce domaine qui lui permettront on peut l’espérer, de faire avancer les choses.
Cette présidence fait partie d’un programme. On peut la comparer à une course de relais. Les participants se passent le témoin tout en espérant marquer de leur empreinte cette course. Il est nécessaire de montrer des ambitions sur l’ensemble des sujets  que porte l’agenda européen, et c’est parfois aussi l’occasion de relancer des initiatives jusqu’à présent bloquées. Il reste aussi certaines promesses sur lesquelles nous n’avons que peu d’espoir. Par exemple, celle d’éradiquer le sans-abrisme d’ici 2030.
Concrètement, la France pourra marquer les esprits sur des sujets comme le salaire minimum ou les travailleurs de plateformes ou bien encore sur le système de sécurité sociale ; nous l’espérons aussi sur l’émancipation économique des femmes.  Cette présidence donnera aussi à la France une marge de manœuvre sur certains sujets qui sont très délicats et où les positionnements vont aller dans plusieurs directions selon les négociations et compromis. C’est là tout le but de la présidence. Cela aidera certainement Clément Beaune le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes et son équipe à réussir sur ces problématiques que lui et la France ont ardemment promeut depuis plusieurs mois. Et si grâce à cette présidence le sentiment européen venait à être renforcer en France et dans le cœur des Français, alors nous n’en serons que satisfait.