Un message après le Brexit sur l’avenir de l’Europe

Ce qui est arrivé la nuit dernière en Grande-Bretagne représente certainement le tournant le plus important dans le processus d’unification de l’Europe : le vote du peuple britannique sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, que l’on appelle « Brexit ». Il est encore trop tôt pour évaluer complètement les conséquences de la décision britannique de quitter l’Union, mais certains effets sont déjà visibles : l’instabilité financière (en Grande-Bretagne comme dans le reste de l’Europe),  une incertitude politique encore plus grande sur la direction que l’Europe doit prendre, l’émergence de tensions « centrifuges » dans d’autres pays européens. Jamais auparavant un néologisme politique ne s’était autant répandu parmi tant de citoyens de différents pays ; jamais une élection nationale n’avait suscité tant de réactions dans ces pays non appelés aux urnes.

Le référendum britannique est la preuve la plus évidente et forte d’un processus de désaffection populaire qui a frappé l’Europe et ses institutions depuis plus de 10 ans – l’Europe a toujours été considérée comme un but à atteindre, et la perspective de rejoindre l’Europe a été, pour beaucoup de pays d’Europe, une force motrice pour réformer leur structure économique, promouvoir l’adoption de règles démocratiques, s’ouvrir à de nouvelles libertés et à de nouveaux standards plus contemporains. L’Europe a perdu sa capacité à incarner les valeurs de la modernisation, du progrès social et économique, de la compétitivité et l’unité, et elle est en fait devenue le « bouc émissaire » parfait de toutes les catégories de citoyens qui ont le plus souffert de la mondialisation. Ce qui est arrivé la semaine dernière à Leeds à la députée britannique Cox en est la plus tragique de toutes les manifestations.
Chercher les responsables du déclin de l’idée de l’Europe serait un trop long exercice. Ce que nous ressentons urgent de souligner, en tant que représentants des cadres, car les cadres plus que les autres doivent pouvoir anticiper et regarder les conséquences à long terme, est qu’il ne peut y avoir aucune alternative à l’Europe. Même avec ses nombreux défauts, ses incohérences et ses faiblesses, l’Europe est la première construction politique, crédible et efficace qui a démontré qu’il était possible de remplacer la guerre par le recours à des moyens démocratiques pour régler les relations entre pays. Grâce au processus d’intégration européenne, nos pays ont connu une phase sans précédent de croissance économique, le progrès social, la stabilité géopolitique et (le plus important) la paix. Et c’est seulement grâce à l’Europe que nous pouvons raisonnablement espérer continuer à jouer un rôle dans un monde de plus en plus interconnecté et globalisé, où il y aura de moins en moins d’espace pour des États nationaux.
L’Europe a besoin de réformer ses structures, de moderniser ses procédures et d’améliorer sa capacité d’agir dans l’intérêt de la communauté des pays qu’elle représente. Mais contrairement aux annonces faites précédemment à ce sujet, nous devons nous attaquer à sa structure. L’Europe des 28 a prouvé son incapacité à relever les nombreux défis actuels. Pourquoi alors ne pas faire quelques pas en arrière et renforcer le noyau de l’UE, à savoir, les pays fondateurs. Si la France, l’Italie et l’Allemagne et leurs voisins les plus proches ont une compréhension commune d’un nouveau départ de l’UE, les autres pays seront invités à les suivre et les suivront. Le wagon le plus lent ne peut pas déterminer la vitesse d’un train. Si nous nous sommes attachés à une «locomotive» puissante, nous pourront tous avancer. La responsabilité de parcourir ce chemin revient aux gouvernements nationaux et, en tant qu’électeurs nationaux, nous devrions tous demander à nos gouvernements de prendre cette responsabilité. Mais en tant qu’individus, avant d’être les cadres au sein des entreprises pour lesquelles nous travaillons, nous avons le devoir d’inculquer à ceux qui nous entourent la prise de conscience qu’il ne peut y avoir aucune alternative pour nos pays en dehors de l’Europe, et que c’est seulement dans une unité renouvelée que nous trouverons l’élan et la force nécessaires pour faire face aux nombreux défis qui nous attendent.
Ludger Ramme